Dessin : Céline Larvor
Théâtre de Paille
La peau et les os
Texte
Georges Hyvernaud
Adaptation
Mise
en scene
scenographie
Interprétation
Christophe Laparra
Création
musicale et sonore
Jean-Kristoff Camps
Masque
Francis Debeyre
Marionnettes
et dessins
Céline Larvor
Création
lumière
Bruno Bescheron
Christophe Laparra
Production :
Théâtre de Paille
Théâtre
du Beauvaisis - scène conventionnée (30/11
et 1/12/06)
Théâtre
De La Verrière à Lille (coréalisation) (28
– 29 –30 et 31/03/07)
Avec
le soutien du Conseil Régional de Picardie
L’auteur
Georges
Hyvernaud est né le 20 février 1902, en Charente, dans la banlieue
maraîchère d'Angoulême, les Planes, d’une mère couturière et d’un père
ajusteur. Sa famille était d'origine ouvrière et paysanne. Enfant, il a habité
aux Planes, puis à Ruelle-sur-Touvre. Après avoir été élève à l'Ecole normale
d'instituteurs d'Angoulême de 1918 à 1921 (Hyvernaud a ainsi passé une
vingtaine d'années dans sa Charente natale), il entre à l'Ecole normale
supérieure de Saint-Cloud, est nommé professeur de lettres à Arras puis à
Rouen. Il écrit, avant la Seconde Guerre mondiale, des articles de critique
littéraire et des essais où se discerne l’influence du philosophe Alain. Devant
la montée du nazisme, il adhère, en 1935, à l’Association des intellectuels
antifascistes.
Mobilisé en 1939, capturé et fait prisonnier en 1940
en Allemagne, il est libéré en 1945. A partir de 1939, il commence à prendre
des notes sur son expérience militaire et sa captivité en Allemagne, sur les
situations absurdes et violentes qu’elles engendrèrent : ces notes – dont
témoignent les Carnets d’Oflag restés inédits jusqu’en 1987-, allaient nourrir,
après la guerre, des recits fortement autobiographiques, comme La peau et les os
et Le Wagon à vaches.
La peau et les os
préfacé par Raymond Guérin et paru en 1949, où il relate l’expérience de ses
cinq années de captivité, passe pratiquement inaperçu, malgré le soutien de
Sartre, Martin du Gard et Cendrars. Après l’échec encore plus cuisant du Wagon
à vaches paru en 1953, Georges Hyvernaud cesse toute
publication.
La parution
de 1985 à 1987 de ses Œuvres complètes aux Editions Ramsay, a fait sortir de
l’oubli cet écrivain que Raymond Guérin et Etiemble, parmi d’autres, ont admiré
et défendu.
Lorsqu’il
meurt
à Paris, le 24 mars 1983, un seul critique, Jean José Marchand, évoque sa
disparition.
Aujourd’hui, la Société des Lecteurs de Georges Hyvernaud s’emploie a faire vivre l’œuvre.
Bibliographie
La peau et les os, Wagon à vaches, Feuilles volantes,
Ed. Le Dilettante; Carnets d'Oflag, Ed. Le Dilettante; 2000, Lettre anonyme,
Oeuvres complètes, t. III, Ed. Ramsay, 1986;
L'Ivrogne et l'Emmerdeur, Ed. Seghers, 1991.
L’initiateur du
projet
Christophe
Laparra est ne a Beauvais en 1972. Il decouvre l’art dramatique grace aux ateliers du theatre
ecole de Beauvais ou enseignent Catherine Dewitt et Jean-Louis Wilhelm. Il poursuit sa formation théatrale a
Paris, tres marque par des personnalités comme Pierre Debauche, Edmond Tamiz, Jean-Louis Martin Barbaz
ou Alain Knapp. Volontiers autodidacte, il fonde sa compagnie « le Theatre
de Paille » en 1995 afin d’inscrire son travail en Picardie. Sa démarche
vise à faire decouvrir le theatre en tant qu’art vivant et populaire, tout en
defendant une grande exigence dans ses rapports au texte theatral et a la mise
en scène. C’est ainsi qu’il sera amené à jouer et monter ses spectacles dans toutes sortes de lieux, des
plus spécifiquement theatraux aux lieux les moins attendus (rues, cafes,
prisons, chapiteau en campagne…). En tant que metteur en scène, Il s’attache
principalement à faire decouvrir des textes contemporains : Fassbinder,
Ferre, Koltes, Durif (dont il monte « L’arbre de Jonas » puis
« La petite histoire », mise en scène ayant eu l’aide de la DRAC
Picardie),… Pendant plusieurs années, il developpe parallèlement dans l’Oise
des cours de theatre, des interventions et ateliers en milieu scolaire et
universitaire (A.P.A. àu collège de Formerie, Université de Beauvais…),
lectures publiques (en médiathèques, en librairies…). Le festival Off
d’Avignon, dans lequel il tient à presenter chacune de ses creations, lui
permet d’etablir des relations durables avec certains lieux (Fontenay le Comte,
Bordeaux, Lille, Barhein…).
C’est lors d’une résidence de sa compagnie a Fontenay le
Comte (Vendée) qu’il decouvre l’ecriture de Georges Hyvernaud. « La peau
et les os » fait echo aux thèmes qui lui sont chers, comme
l’incommunicabilité entre les etres, la difficile transmission d’une experience
ontologique (a travers le retour d’un prisonnier de guerre), le regard sur
l’enfance, le discours d’une humanité en question. Ce texte le renvoie à son
intéret pour la deuxième guerre mondiale et à ses lectures de Charlotte Delbo,
Semprun et Durif (dont il a monte « L’arbre de Jonas ») ainsi qu’a un
aspect plus proprement biographique : la captivité de son grand-père dans
un camp de travail en Allemagne entre 1940 et 1945. Mais il voit aussi a
travers ce texte la possibilité d’approfondir sa demarche de metteur en scène
en questionnant le rapport à la representation : pour cela, il fait
appel a des collaborateurs venant
d’autres horizons que le theatre. C’est ainsi qu’il rencontre Carole Rieussec
lors d’un concert de musique electroacoustique à Paris. La sensibilité de la
musicienne au texte et aux sons le pousse à contacter le duo Kristoff
K.Roll qui aussitot partage son
enthousiasme pour le texte d’Hyvernaud. La creativite et la theatralité de leur
demarche musicale le confortent dans l’idee de questionner l’acte de la
representation, notamment dans le rapport au texte et a la place de l’acteur.
Il contacte alors Francis Debeyre,
masquelier, dont il a vu les masques lors d’une representation du Theatre de la
Licorne, « Le bestiaire forain », dans une mise en scène de Claire
Dancoisne. Les deux hommes se découvrent alors une admiration commune pour le
masquelier suisse Werner Straub et pour le texte d’Hyvernaud. Afin de
travailler sur l’image du revenant, C. Laparra lui commande un masque de peau
pour couvrir le visage du récitant-acteur et l’abstraire de toute realite.
Enfin, il fait appel a la plasticienne Celine Larvor, avec laquelle il avait déja travaille pour la mise en
scène de « La petite histoire », et dont les marionnettes en papier
mache au coté enfantin lui evoquent toute la fragilite de la condition humaine.
Sensibilisée elle aussi au texte d’Hyvernaud, elle entreprend également la
conception graphique de l’affiche du projet.
Réflexions sur le
travail
Sous la forme d’un recit Georges Hyvernaud nous presente le
temoignage d’un homme confronte a l’experience de la captivite, a l’horreur et a l’absurdite de la guerre 39/45 et a la
difficulté du retour a la vie normale. La parole de Georges Hyvernaud est de
celle qu’il faut entendre car elle ne se contente pas d’etre une simple
denonciation de la guerre et de ses atrocites mais elle se propose bel et bien
de traiter de l’asservissement de l’Homme en general, que ce soit lors de
conflits mondiaux ou durant la vie quotidienne. Il demontre combien l’Homme mis
au plus bas par une hierarchie militaire ou sociale engendre la bassesse, la
servilite, la mediocrite et la resignation. Tout au long du recit Georges
Hyvernaud raconte des moments ou l’horreur le dispute a l’absurde. C’est un
texte d’une ecriture et d’une intelligence rare car il propose une analyse
profonde des mecanismes sociaux, politiques et intellectuels de destruction que
l’Homme captif ou non est capable d’elaborer afin de dominer son prochain.
C’est donc un texte qui demontre la pregnance du masochisme et du sadisme en l’Homme. A ce titre c’est un texte
qui laisse apparaître combien le nazisme de la seconde guerre mondiale est
malheureusement une des figures possibles de l’Homme et non pas seulement le
fait du peuple allemand lors de cette guerre.
Pour cette creation, je veux travailler sur ce que
j’appellerai une proposition sonore, musicale et théâtrale ouverte, afin de rechercher et de proposer des espaces vierges de
representations. En effet, a aucun moment je ne veux travailler sur de
l’anecdotique mais bien plutôt sur des signes et sur leur pregnance dans le
temps et la memoire. C’est pourquoi j’ai fait appel a deux musiciens
electroacoustiques dont j’apprecie l’univers et qui de par la singularité de
leur travail musical contribuent a apportér cette part de décalage visuel et
sonore que je recherche. Travailler sur une non representation de la guerre par
une proposition esthetique non-realiste est pour moi d’une importance capitale.
C’est a mon sens un devoir envers moi-même et le spectateur que de sortir des
images et des multiples representations sonores qui ont abouti a créer un
folklore quasi commercial et une perception uniquement historique de la guerre.
Il faut donc tenter de rendre au spectateur un espace et même une
liberte de regard, d’analyse, d’emotion et de participation. je crois que cela n’est possible que par un travail sur
l’invisible : « Incarner, c’est donner chair et non pas donner
corps. C’est operer en l’absence des choses. L’image donne chair, c’est-à-dire
carnation et visibilite, a une
absence, dans un ecart
infranchissable avec ce qui est designe. (…) Dans l’incorporation, on ne
fait plus qu’un, dans l’image incarnée se constituent trois instances
indissociables : le visible, l’invisible et le regard qui les met en
relation. L’image appartient à une étrange logique du tiers inclus. (…) Il y a
donc un appel a la construction du regard sur le visible tel que le spectateur
doit repondre de son propre acces a l’invisible dans le visible. » (in L’image peut-elle tuer ? de Marie José
Mondzain, Ed. Bayard). A l’appui de ces citations, j’oriente le travail dans ce sens : il a ete decide
que :
l’acteur porterait un masque de peau, qu’il serait vétu
d’une grande vareuse, qu’il aurait en permanence une marionnette-squelette sur
son dos, qu’il serait sonorise, et qu’il demeurerait a la lisière de la lumière
et de la penombre. Il s’agira de faire de l’acteur un personnage/narrateur
presque invisible, relegue à une indetermination ontologique qui appuiera la
présence et l’aprete du texte tout en suscitant la distanciation du regard du
spectateur.
la bande son serait elaborée a partir de la manipulation
improvisée de differents objets et d’instruments. Ces objets plus ou moins
quotidiens, producteurs de sons et de sens, viendraient ainsi s’inscrire en
contrepoint du texte, créant un écart avec celui-ci, soulignant ou recouvrant
meme parfois la parole du personnage/narrateur creant ainsi tout un univers
sonore et musical.
La scénographie présenterait une surface de terre baignée
dans une lumière crépusculaire d’où émergent des cordes. Les déplacements du
personnage/narrateur seraient créateurs d’espaces et de présences par la
manipulation de ces cordes qui tireraient sur des figurines où des objets, le
personnage/narrateur devenant ainsi un manipulateur. Un travail vidéo viendrait
mettre en relation l’art et l’intime par l’insertion de photos de ma famille et
de film de mon enfance et de
dessins figurant la vie et la pensée enfouie du personnage afin de mettre en
relief l’aspect proprement biographique que j’entretiens avec ce texte :
la captivité de mon grand-père dans un camp de travail en Allemagne entre 1940
et 1945 et par là même le rapport à la mémoire.
La plasticite de la forme proposee laisserait au spectateur
la liberté de regard et d’ecoute souhaitée dans un va et vient constant entre
le texte, l’univers sonore et l’image.
Christophe
Laparra - mars 2006